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Les grands mythes de la transition énergétique

Le plan pharaonique d’isolation des antinucléaires.

jeudi 21 mai 2020, par PH

On en entend souvent parler, comme les antinucléaires n’ont pas de solutions, ils sortent la réponse : on va isoler thermiquement les bâtiments. Naturellement tout le monde veut isoler les bâtiments, il faut même arrêter les subventions à l’éolien-PV pour l’encourager. Mais l’approche des antinucléaires est simpliste et délirante.

L’origine

Tout a commencé par l’étude d’Olivier Sidler en 2007 [1]. Ce dernier remarquait que 17 millions de logements avaient été construits avant les premières réglementations thermiques (1975) et constituaient un gisement d’économies d’énergie.

Sidler proposait de tout rénover en une fois pour compenser le coût de mesures les plus chères par celui d’actes rentables. Ce qu’on peut définir par de la rénovation lourde. Tout semblait correct dans l’étude, sauf la page des coûts qui étaient notoirement sous-évalués. En effet l’objectif de 50 kWh/m2/an nécessite d’isoler les bâtiments par l’extérieur (compter au moins 20 000 € pour une maison individuelle)

Ainsi était née lors de la campagne présidentielle de 2012 l’idée, de rénover 500 000 logements par an. Idée jamais appliquée. Les Français continuent à s’en tenir aux mesures les plus rentables. L’effort depuis 2008 est un gain de 5 TWh par an. Cette tendance devrait s’arrêter avant 2030. En étant parti de 510 TWh en 2005, on arriverait un peu en dessous de 400 TWh comme besoin de chauffage pour tous les bâtiments pour un investissement de l’ordre de 160 G€. Les gains en consommation seront alors beaucoup plus chers. Pour descendre à 300 TWh, il faudrait investir 270 G€ supplémentaires dans l’isolation des bâtiments anciens [2] , la stratégie bas carbone ne définit pas un objectif pour le besoin de chaleur, mais une enveloppe globale pour la consommation d’énergie des bâtiments. L’objectif serait un peu plus ambitieux et nécessiterait au moins 340 G€ supplémentaires mais aussi des pompes à chaleur très performantes et le déploiement du chauffage urbain à plus grande échelle, alors que le réseau n’arrive pas à progresser. [3] On dépasserait alors le seuil de rentabilité même avec l’évolution du prix de l’énergie.

Les trois délires des antinucléaires : isoler trop loin, isoler trop et faire croire que c’est rentable

Maintenant nous abordons les scénarios des mouvements antinucléaires négaWatt 2017 et son clone sur papier glacé ADEME vision 2050, l’objectif est de descendre en dessous de 200 TWh, plus exactement vers 170 TWh [4]. Pour y arriver négaWatt fixe la cible en rénovation est explicitement à 40 kWh/m2/an, objectif atteignable en logement collectif sans balcon, mais très difficile en rénovation de maison individuelle. C’est en effet, 20 % en dessous de l’objectif de la publication initiale et c’est la moitié de l’étiquette BBC Rénovation appliquée par les professionnels du bâtiment.

D’autre part, on n’isole plus seulement les 17 millions de logements construits avant 1975, mais aussi ceux construits après. Ainsi l’ADEME envisage en 2050 « un parc ancien rénové de 27 millions de logements ». Négawatt 2017 envisage de rénover 1,75 milliards de m2, soit 40 % de plus que le préconisait Olivier Sidler auxquels il faudrait ajouter 0,9 milliards de m2 de locaux tertiaires. Donc on isole des bâtiments qui ont déjà bénéficié d’une réglementation thermique ou qui ont été partiellement rénovés.

Pour la première fois, négaWatt a affiché ses coûts en 2017 : 550 €/m2 [5] mais en prétendant y inclure d’autre postes, probablement la réfection des façades. Si on se réfère aux expériences qu’ils ont menés sur le terrain, pour rénover tous les bâtiments à 50 kWh/m2/an, il faut aller au-delà de 400 €/m2.

Pour arriver au palier suivant 40 kWh/m2/an, il est raisonnable de monter à 500 €/m2 même pour les appartements (cf plus loin). Comment les antinucléaires essaient de justifier cet investissement :

Pour arriver à faire passer cela, il faut prendre des hypothèses irréalistes :
 une passoire thermique (ce qui concerne moins de 7 millions de logements)
 un prix des énergies fossiles qui croîtrait indéfiniment de 7,3% par an, alors que cela conduit à une crise économique, qui le fait baisser ;
 un investissement de 300€/m2 alors qu’à 400€/m2, on n’arrive pas à tout rénover à 50 kWh/m2/an
 un prix du temps nul (PTZ), alors que tout le moindre bilan financier utilise un taux d’actualisation

En prenant un taux d’actualisation, un coût d’investissement réaliste et un logement moyen, l’isolation démesurée est une immense perte de valeur économique.

La confrontation au réel

L’ADEME en collaboration avec l’OFCE note que le changement de classe énergétique nécessite 269€/m2, comme le parc moyen doit gagner trois classes de DPE, on arrive à 800€/m2, chiffre compatible avec le montant de l’investissement annoncé : 2300 G€ [6], encore plus que négaWatt à 1450 G€.
Il convient de faire un point entre chaque politique d’investissement, chaque palier permettant d’économiser une centaine de térawattheures thermiques, en référence, on indique donc en référence coût de 18 EPR2 produisant 200 TWh, la même quantité que les deux paliers d’isolation [7]. Les EPR2 ont une durée de vie supérieure ou comparable à celle de l’isolation

En 2019, le syndicat qui regroupe les professionnels du chauffage collectif (le SNEC), a donné son point de vue sur près de 5 millions de logements que ses adhérents gèrent [8]. Le besoin de chauffage moyen est de 125 kWh/m2/an. Le syndicat propose d’appliquer une rénovation lourde à seulement un quart des logements. Deux tiers des logements, ceux étiquetés D et E ne recevraient qu’une rénovation légère. On aboutirait alors à une moyenne de 74 kWh/m2/an. Le SNEC donc rejette explicitement l’objectif de 50 kWh/m2/an, dans le logement collectif où il est le plus facile à atteindre.

Objectif de rénovation appliqué au parc réel[sic]
Le parc de bâtiments étant majoritairement constitué de logement en dessous de l’étiquette D, il serait nécessaire de déployer des efforts très importants en termes techniques et financiers pour rénover le parc de logements vers le BBC[NDLR comprendre ici 50 kWh/m2/an]. En effet les rénovations énergétiques permettant de diminuer la consommation de 50 à 75% sont très onéreuses (> 200€/m²). Elles font intervenir un ensemble d’actions de performance énergétique sur l’enveloppe (façade, toiture, ouvrants), interventions qui sont bien souvent les plus onéreuses.

Le SNEC donne le coût en fonction du pourcentage d’économie, on rappelle qu’il a proposé 40% alors que négaWatt et l’ADEME réclament 68% :

Conclusion

Le plan d’isolation des antinucléaires dépasse en objectif et en étendue l’étude initiale qui lui a donné naissance en 2007. Désavoué techniquement par les professionnels [9] et irréaliste financièrement, c’est un serpent de mer qui ressort périodiquement et qui discrédite ceux qui le portent.

Alors que notre parc nucléaire, aidé de la biomasse, pourrait assurer le chauffage de tous les bâtiments par les pompes à chaleur [10] : comment un projet aussi économiquement extravagant peut-il se maintenir, si ce n’est par l’incompréhension et la haine de notre fabuleux parc électronucléaire ?

Et ceux qui portent ce mythe l’admettent :


Voir en ligne : L’allégorie du plan d’isolation

Portfolio


[1Cabinet Enertech, la rénovation thermique des bâtiments en France, enjeux et stratégie, 2007

[2Valeur actualisée sans baisse des coûts par apprentissage d’après C. Marchand et coll. Les bâtiments sans énergies fossiles, 2008

[3C. Arquin et coll. Neutralité et logements. À quelles conditions le secteur résidentiel peut-il atteindre la neutralité carbone telle que définie dans la SNBC ?

[4Contribution de l’ADEME à l’élaboration de visions énergétiques 2030 2050

[5scénario négaWatt, 2017-2050, janvier 2017, page 40

[6G. Callonnec et coll., La Revue de l’Énergie,615, 2013

[7en utilisant des pompes à chaleur, cette quantité de chaleur pourrait être triplée

[8Enquête annuelle du SNEC, Analyse et propositions de solutions pour l’efficacité énergétique des logements, 2019

[10encore C. Marchand et coll. Les bâtiments sans énergies fossiles, 2008